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Bruno Troublé raconte la passion de la mer de De Broca

Bruno Troublé raconte la passion

de la mer de De Broca

Le skippeur français Bruno Troublé, qui a (entre autres) participé aux JO de Mexico en 1968 et de Montréal en 1976, vient de publier un livre de souvenirs aux éditions Albatros, Pas une minute à perdre !. Il y évoque notamment son amitié avec Philippe de Broca, les quinze dernières années de la vie de ce dernier.

« Un ami inoubliable ! Nous ne l’avons pas connu par le cinéma, mais par la mer. Un peu comme mon père bien-aimé, Broca était un marin tardif : il a acheté son bateau, un Taillefer en acier, à 50 ans ! (…) Le Moana, hivernait au chantier Le Borgne à côté de notre maison de vacances au Parun, située sur la berge de la rivière d’Auray à Baden, et nous sommes ainsi rapidement devenus proches. » Le cinéaste aimait particulièrement le golfe du Morbihan et l’île de Boëdic où il avait tant joué enfant. Il y a d’ailleurs tourné des scènes du Cavaleur et des Clés du paradis.

« Il aimait à dire : « Le golfe du Morbihan est accueillant mais l’idée d’aller affronter Belle-Île correspondait dans mon imaginaire à aller affronter le cap Horn… Et je préfère répondre aux Parisiens : « Comment ? Vous ne connaissez pas le golfe et la pointe des poulains ? », que leur dire « Oui, c’est moi le metteur en scène de L’Homme de Rio »… »

Malgré tout, reconnaît Troublé, si le cinéaste « adorait naviguer, il était assez incompétent, inconscient et maladroit. » Mais « sa joie de vivre, sa légèreté » ont comblé Troublé et sa femme. « On a tellement rigolé ! Philippe perdait sans arrêt son téléphone portable, qu’il mettait dans la pochette de sa chemise. Lorsqu’il se penchait en avant, le téléphone tombait… Il est ainsi tombé dans 30 centimètres d’eau alors qu’il tirait son annexe sur la plage. Il n’a fait ni une ni deux : « Je vais le mettre dans le four dix minutes, il va remarcher ! » On a sorti, une heure après, des lambeaux de plastique noir. »

Pas une minute à perdre !

(Editions Albatros, 256 pages, 27 euros)


« Le Magnifique » par Michel Gondry : entre Resnais et Gaston Lagaffe

« Le Magnifique » par Michel Gondry : entre Resnais et Gaston Lagaffe

Le réalisateur Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des rêves, L’Écume des jours) avait rédigé une postface dédiée au Magnifique dans le livre de Jérôme Wybon consacré au film. La voici dans son intégralité : 

« Ce qui fait que Le Magnifique est une comédie unique, c’est cette interaction entre un univers dans lequel on a un homme attachant avec un travail auquel on peut s’identifier, il est écrivain, même si ce ne sont pas celles qu’il a envie d’écrire. Et il nous emmène dans les histoires qu’il écrit, avec cette interaction entre ce qui se passe dans la vie matérielle sur l’histoire qui est racontée.

Moi qui ait toujours été créatif, dessinateur, fabriquer des choses avec mes mains, de voir quelque chose comme ça matérialisé à l’écran, c’est quelque chose qui me faisait rêver, me donner envie d’en faire autant d’une certaine manière.

Ce qu’il y avait de formidable avec Jean-Paul Belmondo dans le film, c’est ce côté touchant auquel on peut s’identifier. Et Belmondo qui a ce côté macho, joue à peine dessus ou en le tournant en ridicule, en permanence. Il a énormément apporté au cinéma français, il a une présence mais sans se prendre au sérieux. C’est un mélange qui permet de faire des comédies, des comédies d’aventures qui est un genre assez excitant.

Quand je suis devenu réalisateur, il m’est apparu que ce film était une de mes références plus ou moins conscientes. Il y avait chez de Broca ce mélange d’aventure et de comédie qui était très attrayant, sans jamais être prétentieux et qui ne parle pas d’une certaine couche de la société. C’est assez universel. Ça me plaît beaucoup. Cela vient peut-être de Chaplin, de ce genre de cinéastes universel qui montraient une monde proche de nous, de notre quotidien.

Il y a des choses aussi qu’on pourrait presque comparer à du Resnais. Par exemple, la cabine téléphonique qui se retrouve dans l’eau. Il y a des juxtapositions. Il a pris une sorte de logique qu’il a poussé d’une manière un peu systématique, jusqu’au surréalisme. Et on ne se pose pas la question de ce que cela va rendre. Les éléments se retrouvent un peu dans le désordre, et cela fait penser à Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais, avec ces glissements dans la mémoire, qui ne reconstitue pas un déroulement linéaire, avec le personnage qui revit toujours le même instant avec les choses qui se mélangent petit à petit. Et on se retrouve à un moment avec une cabine téléphonique au milieu de la mer. C’est une coïncidence mais c’est une bonne coïncidence.

Il y avait aussi un élément un peu Gaston Lagaffe qui était quelque chose de très important pour moi. Le gars qui s’assume pas trop, un peu catastrophique, et qui fabrique des choses qui font rêver les autres. On peut faire pas mal de parallèle avec Gaston Lagaffe, la voisine Christine ressemble à Mademoiselle Jeanne dont Gaston est amoureux. Et toute cette invention. On sent que l’auteur a mis son personnage au service de son imagination et ce que cela lui procure. C’est très réjouissant à voir.

J’ai fait un film qui s’appelle La Science des rêves, où il y a une forte influence d’une part du Magnifique et d’autre part, Le Locataire de Roman Polanski. Ce que je trouve en commun dans ces deux films, c’est cet espèce de microcosme, dans un immeuble parisien, qui pourrait résumer la société. C’est exactement ça. On sait qu’on va croiser dans les cages d’escalier, tel ou telle personne… Il y a cette interaction entre les différents étages, les différents appartements. Et il y a l’interaction entre le réel et l’imagination. Donc, je mets ces deux films un peu côte à côte, alors qu’il ne doit pas y avoir énormément de gens qui les associent. C’est pas le même type de cinéma, mais je les aime de manière équivalente. »

« Belmondo Le  Magnifique » de Jérôme Wybon (Maison Cocorico, 2018)


La nostalgie de Thomas Morales

La nostalgie de Thomas Morales

Avec Monsieur Nostalgie, qui vient de paraître aux éditions Héliopoles, l’écrivain Thomas Morales propose un livre qui « se veut gourmand, parfois engagé, souvent amusé (qui) dessine une France qui nous manque cruellement ». Il consacre quelques pages à Philippe de Broca que voici :

« Qui n’a pas vu Le Magnifique, L’Homme de Rio, Cartouche, Le Cavaleur ou Le Diable par la queue ne connaît rien des soubresauts de l’âme, la polka des sentiments et les fanfaronnades de l’homme français. Nous plaignions sincèrement cet être incomplet. Car Philippe de Broca fut ce phare dans un océan de sérieux, ce pincement au cœur quand la comédie se voulait grossière, cette tornade qui emportait le spectateur tout en instillant chez lui, un sentiment d’abandon. Ses films sans cesse revus ou redécouverts agissent comme des bornes existentielles, ils réenchantent notre quotidien, nous emportent et nous subjuguent. Broca est à la fois notre refuge et notre exil intérieur.

Plus le temps avance, plus son génie nous manque cruellement. Nous avons appris à nous méfier des cinéastes d’avant-garde, ces chéris de la critique, encensé par les pouvoirs publics qui trustent les positions dominantes dans les médias mais dont l’empreinte émotionnelle est complètement nulle. Ils ont beau faire l’objet de conférences, de débats qui ennuient, de toute cette gesticulation intellectuelle, ils n’arrivent pas à toucher. Alors que les films de Broca brillent dans la nuit par leur parfum d’éternité, leur douceur désenchantée, leur dialogue confectionné dans ce friable organdi, cette mécanique joyeuse et pétaradante qui nous libère de nos chaînes. Broca est un libérateur, il ouvre les fenêtres de cette grande maison de famille, assoupie dans la campagne, à la façade défraîchie et fait valser les amours impossibles. L’instabilité des hommes vient de se fracasser sur le rivage des femmes.

Aujourd’hui, les langues se délient, les vraies valeurs finissent par s’imposer, le talent exploser, les contemporains peuvent juger sur pièces. Certains jeunes réalisateurs osent même avouer que ce cinéma-là, celui du dimanche soir, populaire et étincelant, à l’humour délicat et à l’action échevelée, les a profondément nourris. Ils en reconnaissent en Broca, un maître doublé d’un professionnel hors pair, c’est-à-dire un cinéaste star du box-office qui donne du confort de visionnage et de l’épaisseur à ses personnages, qui ne néglige jamais la qualité au détriment du plaisir gamin de s’amuser. Rares sont ceux qui réussissent aussi bien à doser l’aventure et le frisson, la fantaisie et l’introspection, sans tirer à la ligne, sans jouer les trémolos, Broca fut ce funambule délicat qui avançait sur cette mince corde sans jamais chuter dans la facilité. Nous verrons fleurir bientôt des dizaines d’héritiers à Philippe de Broca, son aura commence à se propager. On sait combien le réalisateur est admiré aux États-Unis, sa filmographie auscultée dans les meilleures écoles depuis Le Roi de cœur, sorti en 1966. Broca, l’oublié de la Nouvelle Vague et des revues spécialisées hexagonales, jalousé aussi pour ses millions d’entrées en salles et ses collaborations prestigieuses avec, entre autres, Belmondo, Cassel, Noiret, Girardot ou Montand a été, très tôt, reconnu et adoubé, outre-Atlantique, comme un authentique créateur.

Je considère Broca comme le meilleur cartographe intime de la province française. Lui seul savait saisir ces moments instables où une ville endormie, au pavé glissant, embaume l’odeur de chèvrefeuille et au loin, un homme déambule cherchant une explication à sa vie. Il y a des scènes signées de Broca qui nous accompagneront jusqu’à notre mort, Jean Rochefort et Nicole Garcia, place des Victoires dans Le Cavaleur ou Philippe Noiret et Annie Girardot, square Viviani dans Tendre Poulet. »


« Tendre Poulet » par Mad Will sur Youtube

« Tendre Poulet »

par Mad Will sur Youtube

La chaîne Youtube Mad Will consacre une vidéo à Tendre Poulet.

« C’est un film fascinant où de Broca aime mélanger les genres. On ne sait pas toujours sur quel pied danser, même si dans le cas de Philippe de Broca, on pourrait presque parler d’entrechats tant il parvient avec une grande maestria à passer d’un genre à l’autre. En plus de nous offrir une intrigue policière avec d’excellentes scènes de suspense, il signe simultanément une comédie romantique absolument délicieuse. C’est là que l’on peut apprécier tout le travail d’orfèvre du cinéaste, qui utilise les séquences policières pour rythmer son histoire d’amour entre le professeur de grec et la femme-flic. »


Présentation de « L’Homme de Rio » par Benoit Peeters

Présentation de « L’Homme de Rio » par Benoit Peeters

Dans le cadre d’une carte blanche, Benoît Peeters, scénariste de bandes dessinées, romancier, éditeur et professeur au Collège de France, a présenté le 20 avril 2023 à la Cinémathèque française L’Homme de Rio de Philippe de Broca.


Une chanson d’Arnold Turboust sur « L’Homme de Rio »

Une chanson d’Arnold Turboust sur « L’Homme de Rio »

Le chanteur Arnold Turboust, complice d’Etienne Daho, vient de sortir « Belmondo », une chanson consacrée à L’Homme de Rio… « Mon père était super fan de cinéma, et particulièrement de Belmondo et de ce film. Je le connaissais bien, je l’avais vu moult fois… Je l’ai même eu pendant longtemps dans mon champ visuel, il y avait un DVD qui trainait, dans ma vie de tous les jours. Et puis, un jour, j’ai eu cette mélodie, ces accords de piano, cette structure… Et j’ai écrit tout de suite ce texte narratif, qui raconte le film et l’ambiance. »
(Retrouvez Arnold Turboust en interview dans L’Aperview)


Nouveau doc sur de Broca : itw du réalisateur

Interview de Jérôme Wybon à propos du doc « Philippe de Broca
ou l’art de la mélancolie »

Jérôme Wybon a réalisé le documentaire Philippe de Broca ou l’art de la mélancolie, actuellement diffusé sur Ciné+ (le 24 décembre à 12h05 et en replay), et nous parle de sa conception.

Comment est né ce documentaire ? En avez-vous été à l’origine ?
Ce projet est arrivé comme une conclusion à un long travail effectué sur l’œuvre de Philippe de Broca, commencé dans les années 2000, lorsque j’ai fait différents bonus dvd / Blu-Ray sur onze de ses films, de Cartouche au Bossu, en passant par L’Homme de Rio, Le Cavaleur ou Le Roi de cœur. Avec ce documentaire, j’ai l’impression de boucler la boucle.

Vous avez rencontré Philippe de Broca. À quelle occasion ? Et quelles impressions en gardez-vous ?
Je l’ai croisé durant l’été qui a suivi la sortie d’Amazone. Je travaillais pour Studiocanal sur les sorties du Magnifique et de l’Incorrigible dans la toute nouvelle collection dvd consacrée à Jean-Paul Belmondo. Seul Peur sur la ville était sorti alors. Je me souviens très bien d’avoir appelé Philippe de Broca pour lui proposer d’enregistrer un commentaire audio sur ces deux films. Je lui avais expliqué le principe alors totalement inédit en France, et Bertrand Tavernier enregistrait au même moment le premier commentaire audio d’un réalisateur français, pour La Fille de D’Artagnan. Philippe de Broca ne voulait pas parler seul, donc je l’ai accompagné dans cet exercice.

Que vouliez-vous raconter ? Quel était votre angle ?
Si j’ai pu documenter le tournage de plusieurs de ses films par le passé, je voulais ici m’intéresser davantage à son univers, à sa vie, ses relations et son regard sur les femmes, son enfance. Et, bien sûr, ses amitiés avec Jean-Paul Rappeneau, Alexandre Mnouchkine, Henri Lanoë, Philippe Noiret et Jean-Paul Belmondo.

Avez-vous fait des découvertes, avez-vous trouvé des documents inédits ?
Il y a plusieurs archives que je connaissais mais que je n’avais pas utilisé jusqu’ici comme les essais filmés de Marthe Keller pour Le Diable par la queue, ou cette séquence très touchante où Georges Delerue joue le magnifique thème de Chère Louise au piano, en présence de Philippe de Broca.

Qui avez-vous interviewé pour ce documentaire ?
Il y a d’abord la sœur de Philippe, Françoise, qui nous a quittés il y a quelques mois, Catherine Alric, Alexandra de Broca, le chef-opérateur Pierre Lhomme, le réalisateur Jean-Paul Rappeneau, le cameraman Yves Agostini, le monteur Henri Lanoë, la journaliste Guillemette Odicino, Bernard Payen de la Cinémathèque française. Et bien sûr, il y a Philippe de Broca via des images d’archives. L’idée était de faire dialoguer Philippe de Broca et tous ses intervenants sur une série de thèmes ou d’extraits de ses films.

Qu’aimez-vous dans l’œuvre de de Broca ?
J’aime le passage de la comédie au drame, sa mélancolie qu’on retrouve par exemple dans la seconde partie du Cavaleur. Et j’aime sa drôlerie comme avec le duo improbable de Tendre Poulet, ou les aventures de cet auteur un peu raté qu’est François Merlin et qui tombe amoureux de sa voisine de palier. J’aime ces personnages du quotidien qui vivent ensuite de folles aventures.

Quels seraient vos films préférés ?
Le Cavaleur en premier, sorte d’autoportrait du réalisateur, Le Magnifique, qui est la quintessence de l’amitié entre Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo. Et en dernier, Le Bossu, où il retrouve le style et le souffle des films de ses débuts.


Interview de Marthe Keller dans « Schnock »

Interview de Marthe Keller
dans « Schnock »

Le nouveau numéro de la revue Schnock consacre une interview-carrière à l’actrice Marthe Keller (réalisée par Clara Laurent). Elle y parle notamment du Diable par la queue et de la façon dont Philippe de Broca l’a découverte à Berlin, alors qu’elle jouait Le Songe d’une nuit d’été. « Il m’a fait savoir par mon agent qu’il me proposait le rôle de la jeune baronne. Sauf que dans le scénario, il y avait le personnage de Charlie. Comme le prénom était écrit avec un « e », j’ai cru que c’était mon rôle alors que c’était celui du garagiste. » Son accent allemand (et son incapacité à dire des mots comme « mademoiselle » ou « un œillet à la boutonnière ») pousse le cinéaste à engager Maria Schell pour jouer sa mère. « On était en plein Beaujolais, on mangeait tellement bien… Je ne savais pas qu’on pouvait aussi bien vivre tout en faisant du bon travail. On s’est tous adorés, on habitait dans le même hôtel, c’était merveilleux. On avait hâte de se retrouver sur le plateau tellement on était bien. » L’actrice a cependant mal vécu la scène où elle monte dans un arbre en mini-jupe. « On voit ma culotte ! J’avais l’impression que j’étais dans un film porno ! » Une histoire d’amour nait entre de Broca et Marthe Keller pendant le tournage. « Il me faisait tellement rire ! J’ai toujours marché avec l’humour, toute ma vie. Je le trouvais tellement fin et merveilleux. Il est arrivé ce qui est arrivé. »


« Le Roi de Cœur » par Sandrine Bonnaire (vidéo)

« Le Roi de Cœur » par Sandrine Bonnaire

Invitée dans Passage des Arts sur France 5 le 15 janvier 2020, Sandrine Bonnaire a parlé de l’un de ses films préférés, Le Roi de cœur, avec beaucoup de pertinence et d’émotion. Elle l’avait déjà évoqué sur France Inter dans l’émission de France Inter Remède à la mélancolie (à partir de 9mn30).


« Le Schoendoerffer de la comédie » par Philippe Noiret

« Le Schoendoerffer de la comédie »
par Philippe Noiret

Quand j’ai rencontré Philippe de Broca, je connaissais ses premiers films que j’avais beaucoup aimés. Tout en appartenant au courant de la nouvelle Vague, c’est quelqu’un qui s’en démarquait par un ton différent et certainement moins de gravité. Il n’y a que Les Tribulations d’un Chinois en Chine qui m’avait un peu déçu par rapport à ses films précédents par ce, d’un coup, il s’éloignait des gens : les gags et les cascades prenaient le pas sur les personnages. C’est une impression qu’on a quelquefois dans son cinéma : il ne fait pas assez confiance à ses personnages et se rassure en leur faisant faire des pirouettes ! En revanche, c’est un obsédé du rythme et il a raison de l’être, on ne va jamais assez vite dans une comédie. Ça fait quand même très curieux lorsque vous avez l’impression d’aller déjà très vite au point de presque bafouiller et qu’il vient juste vous dire : « Là, je me suis un peu ennuyé ». Philippe de Broca me fait beaucoup rire : c’est un des metteurs en scène les moins psychologues que j’ai rencontré de ma vie et Dieu sait que j’en ai rencontré ! Ne pas faire l’effort de comprendre les gens à ce point, c’est rare ! Il faut vraiment l’accepter tel qu’il est, sinon ça ne colle pas. En fait tous les héros de ses films sont… Lui. Ce qu’il y a de drôle, c’est qu’en vieillissant, il soit passé de Jean-Pierre Cassel à moi. Ça doit lui faire plaisir de se voir incarner par quelqu’un qui a 40 cm et 60 kg de plus que lui !

Philippe de Broca est un homme pressé. Par quoi est-il pressé, je n’en sais rien. Je ne trouve pas grave que cela se ressente de temps en temps dans ses films ; ce que je regrette, c’est qu’à cause de cela il soit passé à côté de certaines rencontres. Sur un tournage, on aurait quelquefois besoin d’une autre prise ou d’un plan plus rapproché. Il est déjà à 150 m de là avec son viseur en train de dire : « Bon, on met la caméra là ». Cela lui écorcherait la gueule de nous dire que c’était bien alors qu’on reprend notre respiration, qu’on se remet une émotion qu’on a essayé de faire passer. Quand vous le connaissez, ça vous laisse froid, et quand vous le découvrez, vous avez de quoi vous sentir frustré !

Avec lui, c’est toujours un grand jeu de tourner un film. Dans L’Africain, les huit premiers jours de tournage étaient situés au pied du Kilimandjaro (qui demeurait dans les brumes comme 360 jours sur 365 ce qu’on ne dit évidemment jamais aux touristes !) Nous tournions autour et dans un lac où nous devions, Catherine Deneuve et moi, plonger, nous cacher… On a tourné la toute la journée ! un type est sorti de l’eau en disant : « Tout va bien ils n’ont pas bougé ! » Étonnement de notre part. « Qui, quoi ? » « Eh bien les crocodiles, là au fond du lac »… Avec lui il n’y a pas de limites. On aime ça retomber en enfance. Vivre de belles aventures, traverser des ponts de lianes…

De Broca, c’est un peu le Schoendoerffer de la comédie, l’un des derniers vrais aventuriers du cinéma français. C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas d’héritier. J’aurais aimé que Rappeneau et lui nous fassent un petit, je l’aurais adopté ! Comme ça, j’aurais tourné tous les deux ans et demi un film bien préparé. Épatant, quoi !

Une chose est certaine : Philippe de Broca n’a pas la place qu’il mérite dans le cinéma français. Surtout depuis quelques années où je ressens une grande condescendance vis-à-vis de lui. C’est que nous vivons une époque de bluff et de marketing. Si vous venez dans Sacrée Soirée exposer les larmes aux yeux tout le talent que vous avez et la passion que vous avez mise dans votre travail, là, ça marche. Aussi bien sur les Cahiers du Cinéma que sur VSD ! Si vous avez quelqu’un comme de Broca qui dit : « Non, ce n’est pas très réussi… Je ne sais pas… Je suis déjà sur une autre chose… Et puis il faut s’amuser dans la vie et je réclame le droit à la frivolité… » Alors, les pouces se baissent. C’est une époque où la légèreté – dans le sens d’insuffisance – est devenue tellement répandue que seuls les gens qui ont la prétention à la lourdeur et à l’importance de ce qu’ils font, trouvent une audience. Les autres, non ! En fait, il faut s’autoproclamer metteur en scène de génie et de Broca ne l’a jamais fait ! Il se contente de son grand talent.

Philippe de Broca est mon ami et un homme selon mon cœur. Ils sont comme cela quelques-uns avec qui je me sens bien. J’ai une faiblesse pour Philippe et il le sait.

« J’hésite toujours à te proposer quelque chose, me dit-il, chaque fois tu dis oui !… »


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