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Michel Audiard à propos de « Tendre Poulet »

Michel Audiard à propos de
Tendre Poulet 

En janvier 1978, Michel Audiard écrit un article dans Le Figaro pour
parler de sa grande amie Annie Girardot et de sa collaboration avec Philippe de Broca.

D’une façon générale, les flics ne m’inspirent pas ce que l’on appelle l’amour fou. J’aime assez les femmes par contre. Hé oui. C’est probablement pourquoi, en m’annonçant qu’au milieu d’un moustachu à chaussettes à clous, le commissaire divisionnaire Tanquerelle était une personne du sexe féminin, Philippe de Broca savait très bien ce qu’il faisait. Ajouter à cela que ce commissaire serait incarné par Annie Girardot.

Quel auteur de cinéma – aussi mégalo soit-il – ferait « des façons » lorsqu’il s’agit d’écrire pour une espèce de sacrée bonne femme qui demeure tout naturellement la première depuis une dizaine d’années et encore pour un bout de temps, croyez-moi.

J’ai donc dit « oui » à cette proposition de remariage, un oui d’autant plus enthousiaste que ma dernière collaboration avec de Broca s’intitulait L’Incorrigible et que les choses s’étaient plutôt bien passées, notamment du côté des recettes, mais, je m’empresse d’ajouter : pas uniquement de ce côté-là.

Philippe de Broca est un des rares – peut-être le seul – metteurs en scène français sachant traiter de la comédie en tournant insolemment le dos au théâtre. Il a le constant soucis de la légèreté et le ton d’élégance. Construire une aventure policière avec lui allait d’abord consister à troquer les godillots flicards contre les ballerines, et la matraque contre le fleuret. Je n’avais rien contre.

Cela dit, j’avouerais mon embarras si l’on me demandait de classer Tendre Poulet, poulette en l’occurrence, dans un genre cinématographique défini. Car enfin, en dépit d’une avalanche de meurtres, ce n’est pas un thriller, en dépit d’une cascade de malentendus amoureux, ce n’est pas un vaudeville, non, voyez-vous, j’appellerais plutôt cela une tragicomédie -sentimentalo – policière – à suspense – souriant. C’est peut-être un peu long, mais ça dit bien ce que ça veut dire.
J’explique.

À travers la recherche de l’auteur de crimes sauvages s’inscrivent en filigrane les péripéties amoureuses d’un commissaire de la P.J. Et d’un professeur de la Sorbonne un tantinet contestataire (ce n’est pas l’assassin, sinon je n’en parlerais pas !), la rencontre, en somme, de la carpe et du lapin. Le lapin étant Philippe Noiret.

Girardot-Noiret ! Retrouver le couple qui fit le succès de La Vieille fille ne fera, je pense, de peine à personne. Cette idée fut déterminante en tout cas, dans l’orientation du récit, une sorte de soupape permettant de serrer d’autant plus la trame policière que nous savions pouvoir rebondir vers la fantaisie chaque fois que l’humeur nous en prendrait. Ce genre de ping-pong, ordinairement assez délicat, devient, avec de tels acteurs, un jeu d’enfant. Et puisque nous en sommes aux acteurs, parlons-en : je trouve qu’au travers des vicissitudes que traverse actuellement le cinéma on ne dit pas assez à quel point les comédiens français sont bons. À force de s’extasier (souvent à juste titre) sur les interprètes des films italiens ou américains, n’oublie-t-on pas que les nôtres n’ont rien à leur envier ?… Si, dans notre cinéma le bât blesse quelque part, ce n’est certainement pas de ce côté là. Il est vrai qu’avant eux, cette année, le bonheur d’écrire pour Belmondo, Delon, Girardot, Noiret, je serais mal venu de dire le contraire. Mais, plusieurs de mes aimables confrères n’ont pas été mal partagées non plus, car je persiste à croire que des films aussi différents que Le Crabe-Tambour ou Nous irons tous au Paradis doivent, tout comme Mort d’un Pourri, une grande partie de leur brillance à la classe de leurs interprètes.

Je sais, je sais : il peut paraître outrecuidant de distribuer les bons points lorsqu’on a participé à la fête, mais quand il s’agit de gens d’une certaine qualité, ce n’est plus du tout gênant. Or, Annie Girardot et Philippe Noiret sont précisément de cette qualité-là !

Dont acte.


Interview de Philippe de Broca à propos de « Chouans ! »

Interview de Philippe de Broca
à propos de « Chouans ! »

Chouans ! est un film à grand spectacle et en même temps, un film très personnel. Vous avez attendu sept ans pour réaliser ce projet. Pouvez-vous nous en décrire l’historique ?
Je n’ai réalisé pratiquement que des comédies, mais j’ai toujours rêvé de faire des films épiques, romanesques, en costumes. Des films qui pourraient être d’ailleurs dans la fiction, mais en dehors de notre temps réel. Et puis, pendant des années, je n’ai pas pu en faire. Tout simplement parce qu’on n’en faisait pas en France. Je me heurtais à une espèce d’interdit, chez les distributeurs, parmi les pouvoirs d’argent. Le discours était qu’on ne faisait pas de films en costumes, que ça ne marchait pas. Et pendant ce temps-là, les Américains, les anglais (avec Barry Lyndon par exemple) en faisaient, et ça marchait… Ce sujet, cela faisait six ou sept ans que Daniel Boulanger et moi, nous l’avions conçu. Sur le principe d’une saga autour d’une famille française plongée dans la guerre civile. 

Nous l’avions d’abord située sous la Fronde, et puis nous est venue l’idée de le faire sous la Révolution Française, plus proche de nous, qui nous concerne plus aujourd’hui. J’ai essayé d’intéresser des gens à cette histoire, à ce projet. Les uns après les autres, c’était toujours la même réponse : on ne fait pas de films en.. etc. Jusqu’à ce que Maurice Illouz me fasse rencontrer Ariel Zeïtoun qui, lui, bizarrement – ça m’a paru bizarre à ce moment-là, et ça me paraît toujours bizarre aujourd’hui ! -m’a dit : « on fera ce film ». Pendant un an ou deux, il m’a fait attendre parce qu’il ne trouvait pas l’ouverture, jusqu’à il y a un an et demi, et puis maintenant, voilà…

Comment s’est passée votre période de cohabitation – qui dure toujours – avec un producteur… lui aussi réalisateur : Ariel Zeïtoun ?
Plutôt mal, mais avec Ariel Zeïtoun, c’est intéressant parce que ce mal va dans le bon sens. On se bagarre beaucoup, il me vexe facilement, il est péremptoire. Très souvent, j’ai envie de tout envoyer balader parce que j’ai le sentiment qu’il n’avait pas envie de monter cette affaire-là. Mais c’est toujours lui qui se rapprochait en disant : « Mais qu’est-ce que tu crois je fais là ? Si je suis là, c’est pour ça ! »… Je m’aperçois que bien souvent, il a eu des idées, auxquelles j’étais farouchement opposé, mais qui étaient bonnes. Et ça continue maintenant au montage. Par exemple, il y avait à l’origine, dans ce film, beaucoup de moments comiques, disons, cocasses, et j’étais très désespéré de les couper, parce que ce j’aime, c’est le passage du drame à la comédie. J’ai donc coupé, à sa demande, en lui disant : « tu vas voir, comme ça va être mauvais » ! On a vraiment taillé… et… c’était bon ! Ce que j’aime chez lui, c’est que c’est un vrai producteur. Je dis « vrai » parce que j’en connais plein de faux. Il est de rapport difficile, agressif, d’un caractère complètement opposé au mien ; c’est-à-dire qu’il pense que tout se fait dans la tension, alors que moi, je ne cherche que la grâce. Mais c’est un homme de cinéma, qui aime le cinéma.

Vous avez parlé successivement, à propos de Chouans !, de film épique, romanesque, en costumes, de cape et d’épée, etc… A quel genre appartient ce film ?
Je disais, au début du projet de Chouans !, et par commodité parce que je cherchais de l’argent, que ce serait un film de cape et d’épée. Des films de cape et d’épée, j’en ai fait – Cartouche par exemple – à une époque où ce genre charmant, plein de fantaisie, marchait en France. Cartouche s’est fait d’ailleurs au sein de la même maison de production que Fanfan la tulipe de Christian-Jaque, et il y a même des acteurs, comme Roquevert, que l’on retrouvait d’un film à l’autre. Ce qui m’avait intéressé dans le personnage de Cartouche, c’est que c’était un bandit, un marginal – aujourd’hui, il serait terroriste – qui voulait simplement jouir de la vie, et qui devenait voleur. Tout cela dans une société, le début du XVIIIème siècle, qui est en train de basculer. Je ne renie pas Cartouche, mais je ne m’y suis pas retrouvé. Ce que j’aime le mieux maintenant, c’est le côté dramatique, la fin du film, la mort de cette fille, le carrosse d’or. Autant j’adore faire des comédies de mœurs qui tournent autour des problèmes de l’amour – alors que c’est aussi douloureux qu’autre chose – autant je crois qu’il faut une certaine gravité pour traiter de personnages qui traversent une période aussi bouleversante et bouleversée que la Révolution Française.

C’est une espèce de pulsion fondamentaire pour moi que de retrouver toute la littérature du XIXème siècle que j’ai dévorée étant enfant, de me rapprocher de cette tradition du romanesque à panache que l’on retrouve bien sûr, et entre autres, dans le théâtre de Rostand, et qui a été si peu exploitée au cinéma. Cela revient aussi à un genre, et les genres, on ne peut pas les inventer, ils sont là. Alors, s’il fallait définir Chouans, je dirais que c’est une fresque sur une époque, qui pourrait représenter la nôtre. Une parabole qui poserait la question suivante : comment raconter, à partir d’une histoire inscrite dans le passé, ce que nous sommes aujourd’hui, d’où nous venons, ce qui nous fait agir ?

Tout ce qui se raconte dans Chouans ! concerne beaucoup de nos problèmes politiques, sociaux contemporains – on les sépare aujourd’hui pour faire bien – mais ce sont les mêmes problèmes, éternels, d’équilibre des sociétés. Alors si vous cherchez des références, elles sont peut-être plus du côté du Napoléon d’Abel Gance que du Bossu, contrairement à ce que mon image de marque laisse à penser. Et, pour revenir à Ariel Zeitoun, c’est vrai qu’il m’a beaucoup aidé à aller dans ce bon sens, et parfois contre moi-même ; à couper du Bossu et à laisser moins de place au spectaculaire facile.

Dans la notion de genre, il y a aussi celle du rythme de récit à adopter. Quelle est votre notion personnelle du rythme ?

Quand on commence un film, c’est-à-dire dès l’écriture, il faut se mettre un métronome dans le ventre. Je m’inspire beaucoup de la musique : une grande symphonie de Beethoven nous apprend énormément de choses sur, à la fois, la façon d’amener les thèmes, de les mettre en vagues, de les faire aboutir, exploser, redescendre… Il y a toute une pulsion humaine, qui fait qu’on a, à la fois, besoin d’alternance et d’homogénéité. L’arythmie n’est fondamentalement pas humaine. Dans la vie, on a le rythme cardiaque, il paraît même qu’on a des rythmes nerveux. Et il faut renforcer ça, parce que le spectacle étant une sorte de résumé exemplaire de la vie, il demande à rechercher ce rythme. Je suis obsédé par le rythme, mais ce n’est pas angoissant ! Je le ressens… On couche le scénario sur de grands tableaux, avec alternance d’allegro, d’andante… C’est un peu théorique, mais ça aide, et quand je tourne, j’exprime ça, je fais rire tout le monde parce que je dis souvent : « ah ! Là, je m’ennuie.. ! »

C’est-à-dire que là, il ne se passe rien, on n’attend plus rien… Si un type traverse une grande salle pour aller ouvrir une porte, je m’emmerde. Mais ce n’est pas une règle, parce que si je sais que derrière cette porte, il y a quelque chose d’important, une femme qu’il aime ou un assassin qui va l’étrangler, là, la trajectoire a une signification. Et aussi en fonction de ce qu’il y a avant et après : il y a des plages. Moi, je suis un peu rapide, un peu trop parfois, je suis tellement obsédé par le rythme que je confonds parfois le rythme et la précipitation… Mais j’aime mieux ça que le contraire, parce que le non-rythme, c’est l’ennui. ET ça, je le ressens souvent dans les spectacles ! Ces gens qui n’ont pas le métronome dans le ventre ! Il y a un côté biologique du rythme !

Le hasard des rythmes politique fait sortir Chouans ! le 23 mars, à un mois du premier tour des élections présidentielles, dont on a souvent dit que le mode de scrutin coupait la France en deux. Le phénomène Chouans continue-t-il à diviser la France en deux ?
Je suis cinéaste, je vous répondrai par images… J’ai toujours rêvé, et je rêve de plus en plus, de faire un jour un film sur l’Occupation en France… Je vais vous raconter une anecdote très très belle, qui pourrait être un point de départ : dans un petit village que je connais, une femme attendait au carrefour, le matin… le soir…. chaque jour. Je l’ai prise une ou deux fois en voiture, pour monter en ville, elle me racontait la guerre… Et j’ai eu un jour l’explication : cette femme passait ses journées au carrefour parce qu’elle attendait un Feldgrau qui avait occupé le village pendant la guerre. Elle avait eu une aventure avec lui – elle était toute jeune fille. Elle a été la tondue du village. Ce n’était pas facile, dans le pays il ne s’était pas passé grand-chose, il fallait trouver une tondue à la libération… On l’a tondue. Ses cheveux ont repoussé, mais elle attendait toujours le retour de son Allemand, au carrefour… Elle était devenue un peu folle.

Je trouve ça très émouvant dans la mesure où, d’habitude, on ne raconte le guerre que dans une certaine optique… Alors, si la période de la Révolution Française me fascine, si je n’ai pas traité dans ce film des guerres de Vendée, mais plutôt des guerres provinciales en Bretagne, c’est pour montrer qu’au-delà des prismes faciles, à partir de la guerre, dans le comportement humain, toutes les déviations sont possibles, et qu’elles ne se réduisent pas seulement à des questions d’opinions. Comme à toutes les époques, dans des situations de bouleversement, il y a l’un et l’autre. Chez les Blancs et chez les Bleus, les Bretons chouans et les armées de la République, il y a eu des brutes, des massacres des deux côtés, et des gens et des gestes épatants de chaque côté. Des moments. Les gens sont rarement épatants ou abominables. Ils peuvent être l’un et l’autre. Tout homme, toute femme, est prêt à faire des sacrifices grandioses puis, tout d’un coup, à s’acharner en foule sur un type déchiqueté. Le plus dur à admettre, c’est que ce peuvent être les mêmes. Montrer ça est toujours intéressant, et si le film sort en mars 1988, c’est un hasard et c’est tant mieux, j’espère…

Pour être encore plus clair, peut-on affecter la neutralité sur un sujet comme celui de Chouans ?
Non, on ne peut pas être neutre. Si on est neutre, on est gris, souvent terne. L’histoire est raconté presque toujours – et pour cause – par les vainqueurs. Les guerres de Vendée, les chouanneries, je les ai racontées avec l’œil des vaincus – et encore ne faut-il pas me demander des réponses trop claires parce que, moi non plus, je n’en ai pas – ; mais on ne peut pas avoir de sympathie pour les rebelles, les Robin des Bois. D’ailleurs, ça s’appelle Chouans ! Dans ce film, il y a trois personnages masculins et trois comportements.

Savinien, c’est la rage, le tolérant, l’homme qui a compris mais qui est impuissant. Et puis, il y a les deux autres : ses deux fils qui veulent agir. L’un, Tarquin, va vers le drame, jusqu’au bout, et l’autre, Aurèle, va vers une autre forme de drame, mais il ne l’atteindra pas, parce qu’au bord, il renonce. Toutes les convictions, les idées arrêtées qu’il avait, il les fout en l’air du jour au lendemain pour vivre, pour survivre. L’autre va jusqu’à la mort.
Les trois personnages expliquent la complexité des faits, la complexité des rapports humains aussi. Les choses ne sont pas simples. On dit souvent que la droite, c’est les privilèges, les châteaux, les prêtres, les riches. Oui, mais l’insurrection est, ici, d’origine populaire, paysanne. On dit aussi que la gauche, c’est les idées neuves, le bonheur du peuple, le progrès. Oui, mais ici ça consiste à fermer les églises, à envoyer des paysans, attachés à leur terre, se battre contre les Prussiens, sans crier gare, et à l’époque des moissons. Où, comment ces faits peuvent-ils rentrer dans une analyse réductive ?

Les frais bruts malheureusement, c’est la réalité d’une guerre. Fontenoy, c’est 300 morts, mais brusquement, entre les guerres de la Révolution et de l’Empire, c’est une saignée, deux millions de jeunes hommes français disparus. C’est gigantesque. Et tout ça est parti d’une idée généreuse en 1789, presque consensuelle à 99% : le royaume a des problèmes, parlons-en ensemble…
Réunissons-nous… On voit ce qu’il en est advenu.

Pour cette peinture, quel partie pris avez-vous choisi avec votre directeur de la photographie Bernard Zitzermann ? Etes-vou allés vers le réalisme, le naturalisme, le romantisme XIXème siècle anglais ?
Oui, on est plutôt allé vers le romantisme XIXème… Enfin, vous savez,au cinéma, quand on fait des films comme ça, on prend ce qu’on trouve ! On a eu la chance d’avoir un temps de cochon ! On a utilisé énormément de brumes… J’ai choisi Zitzermann à cause de Molière d’Ariane Mnouchkine ; Je me suis admirablement entendu avec lui, il est formidable : il arrive dans des lieux, et selon ce qui s’y passe, il renforce ce qu’il y a. Si c’est tout gris, il met de la brume, il remet du gris tant que ça peut, ce sont les premiers plans qui ressortent et le reste fout le camp dans le brouillard…. Si ça claque de soleil, on se met en contre-jour avec de grandes brillances… Et ce qui est étonnant, bien qu’on n’ait pas beaucoup le temps de se parler dans la journée (trois mots au début de la journée ou s’il y avait tout à coup un renversement de temps), il trouvait toujours le truc pour que ce soit en référence à ce qu’on peut dire de la peinture…. J’ai du mal à parler de ça parce que ne sont pas les mots qui jouent, ce sont les impressions, les sensations…

Chouans ! est un des plus gros budgets français de l’année. Avec la notion de film historique, de grand spectacle, vous trouverez ce que l’on appelle « les petits métiers du cinéma », ceux qui sont en train de disparaître dans la production moderne. Pouvez-vous nous parler d’eux ?
On a peur, souvent, de ne pas trouver un armurier, par exemple. Dans le film, pour les fusils d’époque, l’armurier tenait absolument – et il avait raison – à ce que, quand le chien arrive sur l’amorce, ça fasse « pfuit ! », et puis après, « pshshsh… » C’est en deux temps, il y a l’allumage de la mèche, et ensuite l’explosion de la poudre… Il y avait 50 ou 60 fusils qu’il fallait recharger, j’avais demander de truquer ça… Non, pas question !… Alors, il s’est pris 4 ou 5 adjoints, il a trouvé des gars dans les fermes pour l’aider, et des figurants aussi, parce que recharger 50 fusils, à l’ancienne, avec la bourre, etc… pour que ça fasse bien « pfuit ! » « pshshsh »… Je savais bien que ça n’avait pas grande importance sur le résultat, mais c’est très important de respecter ces « détails » parce que, si on respecte ce travail, tout le monde se sent concerné, respecté, et se défonce…

De la même façon, Yvonne Sassinot de Nesle m’a fait les costumes. Elle est créatrice de costumes, avec un talent énorme. C’est une grande dame du théâtre, mais elle était là tout le temps, et quand il y avait des scènes de foule, elle tenait absolument à ce que chaque figurant passe par ses mains. Les uniformes, ça allait, c’est le même costume, et encore ! Elle allait vérifier que chaque hussard ait sa petite natte, selon la coiffure qu’il avait, etc… Pour que les figurants soient prêts à 11h-midi, avec les cavaliers qui amenaient leur propre cheval et s’en occupaient, les types partaient parfois à 4h du matin de chez eux, et elle, à 5h du matin, elle était là. Chaque paysan, chaque figurant était pris un par un, pour qu’ils soient tous différents ; elle pré-fabriquait des costumes, en inversant certains détails, etc, mais que, surtout, on puisse filmer en archi-gros plan sans problème. Elle a été chercher des costumes au musée de Nantes, des costumes, qui valent des fortunes dans des vitrines : je ne sais pas comment elle est arrivée à arracher ça du musée… Elle les vérifiait continuellement, tançait des figurants négligeants, nettoyant toute la nuit quand il y avait eu des bagarres dans la gadoue, alors qu’il fallait que les costumes sont propres et secs le lendemain matin.. Tout ça avec son assistante, Anne de Laugardière, et tout un staff de filles et de garçons au garde-à-vous… Extraordinaire ! Et c’est terrible parce que moi, je vois maintenant un film à l’endroit, à l’envers, sous toutes ses coutures, et je me dis que ça va passer à toute vitesse. Qu’est-ce qui restera de cela ? Un univers ou un entracte ? Ce que je sais, c’est que dans Chouans, constamment, grands ou petits métiers du cinéma, il y a eu la volonté du mieux.

Propos recueillis par Claude Philippot et Daphné Victor pour le dossier de presse


« Le Roi de cœur » par le réalisateur Roger Avary

Le Roi de Cœur
par le réalisateur Roger Avary

Interrogé par Les Inrockuptibles en 2014, le cinéaste Roger Avary (Killing ZoeLucky Day) a placé Le Roi de cœur en troisième position de ses films français préférés. Selon lui, il représente « le regard le plus juste sur le monde, et sans doute la seule influence majeure sur ma vision politique. On pourrait imaginer que Terry Gilliam fasse un remake de ce film, sauf que l’original de de Broca est déjà parfait. »

Dans le mêle classement, le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho (The Host, Snowpiercer, Parasite) place L’Homme de Rio en dixième position.


Philippe de Broca et la défense des animaux

Philippe de Broca
et la défense des animaux

Lors de la sortie de L’Africain en 1983, Philippe de Broca revient sur le tournage et sur son engagement pour la défense des animaux.

Quelle est pour vous la définition de la comédie ?
Entre mille définitions, la comédie est le ressort qui permet de partir du tragique pour le montrer sous un angle dérisoire. La comédie, c’est la liberté, puisqu’on peut prendre une situation crucifiante pour la tordre jusqu’à en extirper du cocasse. La comédie cerne mieux que la vérité.

Ne vouloir que faire rire, avoir le ton léger… On peut vous qualifier de superficiel ?
On n’a pas tort. Je revendique le droit d’être totalement superficiel. Je ne suis pas ému par le théâtre de Racine où tous ces gens souffrent profond avec des couronnes sur la tête. Je suis beaucoup plus touché par les évaporés petits marquis de Marivaux.

Avec vous, la comédie gravite toujours autour de l’amour.
Je ne pense qu’à ça. Ne suis sensibilisé qu’à ça. Il n’y a que les affaires de cœur qui m’exaltent, d’ailleurs, toute la littérature française n’est axée que sur lui, le cœur. Les moments de bonheur fulgurant qu’on a, dans la vie, sont ceux où on prend dans ses bras la femme qu’on aime. Le reste du temps n’est fait que de moments tranquilles, plats. Pas de quoi en tirer un film. Reste l’amour. J’ai fait près d’une vingtaine de films, une dizaine d’entre eux m’intéressent et mon rêve, c’est d’inventer une comédie sur le sentiment amoureux sans rien d ‘autre autour, sans sauce, sans anecdote qui l’altère. Un sentiment amoureux pas forcément homme-femme, peut-être pour un enfant ou, tiens, pour la nature. Je suis fou de la nature.

Au point de vouloir la protéger en militant pour la WWLF (World Wild Life Foundation)
Je fais partie du conseil d’administration de la WWLF de Paris. Il y a des gens qui, pour mieux vivre, se réfèrent à la psychanalyse, moi, c’est aux animaux. Pas à la manière des écolos barbus en vestes de mouton qui vont se recycler dans le Larzac, mais à la nature en permanence, aux animaux sauvages. Rien que ce détail : il y a toujours des massacres d’éléphants, parce que l’ivoire est de plus en plus rare. Absurdité criminelle de la chose : on tue une bête de cinq tonnes, qui vit 70 ans et met deux ans à se reproduire, le tout pour lui filouter deux grandes dents dont on tirera une dizaine de bracelets. Je ne suis pas croyant, je suis un sceptique des systèmes politiques, y compris de la déclaration des droits de l’homme, aucun parti politique ne me fourguera jamais une carte d’adhésion, mais ce que je trouve très progressiste, c’est que l’homme soit responsable de la Terre et se rende compte qu’il est urgent de cesser de détruire la nature dont il est issu et dont il a besoin pour survivre.

D’où votre film qui illustre votre mystique en montrant la désinvolture de celui qui vient esquinter la nature la plus vierge en lui plantant des cases et des cantines dedans, et qui agace suprêmement ceux qui y vivent en y faisant le moins de dégâts, en y laissant le moins de papiers gras possibles ?
Oui, je raconte ça, mais en y mettant les formes, celles de la comédie, sur une cadence allègre, tonalité Jules Verne, avec des « sauvages », des jungles, des singes, des éléphants et, lovée au centre de tout ça, une histoire d’amour interminable, comme je les aime, celle de deux êtres particuliers qui se sont rencontrés adolescents, n’ont jamais été capables de vivre ensemble ou séparés, qui n’arrivent à se débloquer qu’à travers une aventure forte, bousculée par d’événements. Des êtres complémentaires mais opposés…

Comment avez-vous préparé le tournage ?
À la dure. C’est ce qui a prit le plus de temps. Dans ce genre de film, le répérage est presque plus capital que le tournage. J’ai cavalé pendant un mois et demi, sillonné le Zaïre, trouvé une tribu pigmée qui, il y a quelques années, avait eu un semblant de contact avec ce qu’on appelle la civilisation, en venant vendre des bricoles, scorpions séchés ou arcs divers aux portes d’hôtles qui, aujourd’hui, tombent en poussière. Je les ai pris, ces Pygmées, pour jouer dans mon film, ils ont été enchantés, n’ont, évidemment jamais vu le cinéma d’aussi près, mais, comme les gitants ou les enfants, ils jouent d’instinct puisque, déjà, leur vie, ils la passent à chanter, danser, imiter les animaux

Comment s’est passé le tournage, c’est-à-dire la transplantation de Noiret-Deneuve, des autres acteurs et de l’équipe, de Paris au Kenya ?
D’abord, ils étaient tous bouleversés, mes stars, mes techniciens et même mes cégétistes, de sentir qu’ils se retrouvaient devant l’origine du monde. Et puis l’émotion passée, il a fallu les installer. Dans des camps de toile, des camps, donc, mais pensés et agencés par des anglais, c’est-à-dire avec un sens douillet du confort. Les vastes tentes avaient leurs meubles, l’électricité, l’eau chayde… la première nuit, tout le monde dormait quand un collectif de lions traverse le camp. Trouille générale intense, les gardes armés se préparaient à intervenir mais en fait, les fauves ne nous ont même pas jété un œil, ils venaient gentiment bouffer nos restes.

Comment avez-vous dénichés pour certaines scènes, le troupeau de 500 éléphants ?
Un petit avion patrouillait sans cesse pour repérer, à l’avance, les migrations d’éléphants. En survolant, en permanence, ils arrivaient à déterminer vers quel point le troupeau se dirigeait. Ne nous restait plus qu’à trouver une route qui nous y mènerait mais, pendant certains tournage, il y a des moments miraculeux.

Les quelques mots ou phrases qu’articulent Deneuve et les Pygmées sont-ils authentiques ?
C’est du bambuti conforme.

Quels ont été les pires désagrèments de ce tournage exotique ?
D’abord la chaleur. Puis, après des pluies torrentielles, des nuées de bestioles, qui nous obligeaient à manger la soupe sous des moustiquaires et à faire des feux autour du camp, ce qui ajoutait à la fournaise déjà existente.

Aucun danger, aucune bête féroce n’ont menacé l’équipe ?
Pas vraiment mais undirectement si. Pour une partie du tournage, nous étions dans un hôtel tout prêt de la Galana River. Chaque nuit, des crocodiles claquaient des mâchoires avec un tel enthousiasme qu’ils nous empêchaient de dormir, et nous faisaient peur, le clapotement des maxullaires des crocodiles ayant un son sinistre. Jusqu’à la nuit où Noiret, qui en avait ras les cernes de ne pas dormir, a hurlé aux sauriens sonores : « vous allez fermer vos gueules, oui ?

Et alors ?
Ils l’ont fermé. Ce que c’est que d’avoir de l’autorité.


Philippe de Broca et l’Afrique

Philippe de Broca et l’Afrique

En 1983, lorsqu’il fait la promotion de L’Africain, Philippe de Broca revient sur sa passion pour le continent africain, la préservation des espèces menacées et le futur projet de Chouans !.

« Je suis incapable de m’intéresser à un personnage que je n’aime pas, ce n’est pas par goût mais par dégoût. Je ne sais pas être satirique ni m’acharner sur le mauvais. Pourrais-je faire une comédie écologique, pourquoi pas ? C’est rare. Le sujet est plutôt grave. D’ailleurs tous mes scénarios sont le plus souvent sérieux tant qu’ils sont en gestation et au fur et à mesure qu’ils sont un film je ne sais pas comment ils deviennent drôles mais, c’est plus fort que moi, je désamorce la tristesse, la peur. Ça me vient tout seul.
Je veux bien essayer d’être moins gentil mais je vais surtout vers ce qui m’est le plus facile.
La notion du voyage, je l’ai dans la peau. Généralement, je me plonge dans des atlas, je me penche sur des mappemondes, des dictionnaires et des albums-photo et je choisis un point du globe. Paradoxalement, moins je le connais plus c’est facile de laisser courir mon rêve. Quand on veut raconter une histoire à ma façon, il est dangereux de pénétrer trop loin dans un pays. L’Afrique, justement je connais très bien et j’ai hésité longtemps avant d’y retourner. C’est un continent fascinant et tragique. Ce n’est peut-être pas très honnête de montrer une jungle de rêve (au Kenya, le foisonnement de paysages riches et de parcs naturels pour les animaux permet le plus beau spectacle). Mais ma philosophie, je n’en ai aucune d’ailleurs, c’est de faire des films faciles, ce qui n’est pas si facile. Je suis très sceptique sur les grands mouvements socio-politiques. Pourtant la défense de sa planète, c’est un soucis qu’on a tous au fond du cœur. Je suis membre d’une société internationale pour la défense des bêtes en voie d’extinction, comme les éléphants ou les rhinocéros. J’ai rencontré des gens étonnants qui consacrent leur vie à ça. Dans un prochain film, je parlerai d’eux, de ces émigrés installés loin, décalés dans le temps et l’espace, qui trimballent leur civilisation à l’autre bout du monde sans l’imposer. Ce en quoi ils ne sont pas des pionniers mais une race élitaire, un peu comme les personnages du Diable par la queue, ces aristocrates dans un château en ruines qui sauvent leurs traditions avec une formidable tolérance et une grande noblesse de caractère. J’irai peut-être faire ce film en Insulinde, quelque part entre Java et Bali ; toujours Conrad qui m’entraîne.

J’ai un autre projet, sédentaire celui-là ; sous la Révolution française, dans l’Ouest, je voudrais évoquer la nostalgie du XVIIIème siècle dont parlait Talleyrand et les nouveaux encyclopédistes qui traversent la guerre civile. Mais que j’aille à Bali, en Vendée, ou en Bretagne, que je tente d’être moins gentil, je crois qu’on ne tourne jamais qu’autour de son trou. Je reviendrai toujours vers les choses que je sais faire. Pour certains, cela s’appelle des tics, pour d’autres, c’est un style. »


Yann Moix à propos de Belmondo chez Philippe de Broca

Belmondo chez de Broca
par Yann Moix

Dans Le Point du 27 octobre 2016, le romancier Yann Moix compare le Belmondo de Jean-Pierre Melville à celui de de Broca : « Chez Melville, Belmondo s’ennuie davantage, son physique ne tient plus en place ; son corps, trop statique, n’en peut plus. On imagine à chaque plan, notamment dans Léon Morin, prêtre, qu’il va arracher sa soutane, et hurler un tonitruant « merde ». Il est corseté ; il est empêché. C’est un Bébel à l’étouffée. Chez de Broca, il reprend sa liberté, c’est un Jean-Paul qui respire, sans personne pour le dompter ou lui lancer des cacahouètes ; il s’arrache au texte, son corps reprend de la voix. L’Homme de Rio et Les Tribulations d’un Chinois en Chine qui sont les ancêtres d’Itinéraire d’un enfant gâté sont les meilleurs films de ce Marsupilami humain ». 


Marcel Dalio à propos de Philippe de Broca

Marcel Dalio à propos
de Philippe de Broca

Début 1961, le comédien Marcel Dalio est interviewé par la télévision, évoquant notamment ses souvenirs de tournage avec Jean Renoir et s’attarde sur la nouvelle génération de réalisateurs : « Je place de Broca… Je ne dis pas ça parce que je vais tourner avec lui.. Le contrat est signé, je ne lui dois rien (rires)… Donc je peux être franc. De Broca, c’est tout de même, à travers tous les films sombres que l’on voit, un peu de soleil. En sortant de tous ces films noirs, on a l’impression d’être dans un tunnel. On a l’impression en France que tout est noir… A travers de Broca, c’est le style français, c’est la clarté française, c’est la légèreté française…. Je le situe, dans son style, entre Beaumarchais et Marivaux. C’est un grand éloge que je lui fais, mais je pense que s’il continue, de Broca sera le premier réalisateur de toute la nouvelle génération. »

Marcel Dalio joue le rôle de Malichot dans Cartouche. Il sera à nouveau dirigé par Philippe de Broca, en 1965, dans Un monsieur de compagnie.


Philippe de Broca et le rêve américain

Philippe de Broca et le rêve américain

Fin 1975, Philippe de Broca qui vient de signer un nouveau succès avec L’Incorrigible, s’entretient avec Joe Van Cottom, le créateur de l’hebdomadaire Ciné Revue, et revient sur ses projets hollywoodiens.

Lorsque l’année dernière, nous nous sommes rencontrés à Hollywood, vous m’aviez dit que vous envisagiez de tourner aux États-Unis. Où en êtes-vous à ce sujet ?
Il y a longtemps que j’essaie de tourner un film aux États-Unis et cela pour plusieurs raisons. D’abord, parce que tout de même, Hollywood, c’est toujours quelque chose, ensuite parce que je m’exprime pas trop mal en anglais et enfin parce qu’il y a énormément de comédiens américains avec lesquels j’aimerais travailler. Malheureusement, jusqu’à présent, cela ne s’est pas concrétisé. Il est vrai que ce genre d’entreprise est beaucoup plus difficile à monter qu’on le suppose généralement.

Qu’est-ce qui vous a frappé le plus dans l’évolution du cinéma américain ?
Avant tout, et essentiellement même, son impitoyable violence. C’est du reste la raison pour laquelle j’aimerais réaliser un film en Amérique. Tout, pour moi, est parti du Roi de cœur qui a été un très gros succès en Europe et qui, aux États-Unis, est considéré comme un film d’art et d’essai. Lancé modestement dans une petite salle spécialisée, Le Roi de cœur a rapidement gagné en popularité au point qu’il a réalisé de très, très grosses recettes. Cela est dû au fait que mon Roi de cœur a été très favorablement reçu par la jeunesse et plus précisément, à l’époque, par les hippies. Bizarrement, ce conte de fées pour adultes a été accueilli aux États-Unis comme un film contestataire ! Depuis sa sortie, je suis relativement connu aux USA, surtout dans le monde du spectacle et ce qui est paradoxal, c’est que les Américains voudraient bien me confier un film mais sur un sujet qu’ils auraient précédemment choisi. J’avais l’intention de faire un film de commande basé sur la vie du Général Giraud. Mais, tout de même, cela ne m’aurait pas été facile car aux États-Unis, le fonctionnement n’est pas le même qu’en France. Le metteur en scène est davantage considéré comme un technicien que comme un auteur. Si je ne peux réaliser en Amérique le film que j’ai vraiment envie de faire, et j’ai plusieurs sujets en tête, j’aime mieux rester en France.

Vous avez vu des films comme L’Exorciste, French Connection, Le Parrain… ?
Ce qui me frappe, c’est que vous venez de citez trois films dont la base – comme tous les films à succès en dehors des productions Disney – est la violence non seulement physique mais aussi la violence des rapports entre les femmes et les hommes, les attirances, les affinités, les amitiés. On ne peut pas voir un film consacré à l’amitié entre deux hommes, même dans l’admirable L’Epouvantail, sans qu’à un moment donné ils s’affrontent et se cassent la gueule. La permanence de la violence est un des phénomènes les plus typiquement américains. Comme précisément, j’ai envie de tourner des films sur la douceur de vivre, la facilité des rapports entre les gens, bref des films plus positifs que négatifs, vous comprendrez que c’est là une des raisons pour lesquelles je ne parviens pas à tourner à Hollywood ! (…)

Pour en revenir au Roi de cœur, dont je vous parlais tout à l’heure, ce film a eu une carrière très curieuse. Artistes Associés qui l’avait produit et qui avait donc intérêt à ce qu’il soit vu par le plus grand nombre possible de spectateurs, a distribué le film aux États-Unis exactement comme tous les films dits classiques. Échec… Le Roi de cœur a ensuite été programmé à Boston, pas loin de l’Université de Harvard, pour une semaine. Il est à l’affiche depuis quatre ans ! Un distributeur l’a acheté et l’a lancé dans toutes les villes universitaires, où il a connu le même succès. On a commencé à parler de moi dans la presse, mon Roi s’est répandu dans un tas de salles, et, maintenant, il passe partout, absolument partout.


Georges Delerue parle de Philippe de Broca

Georges Delerue parle
de Philippe de Broca

Le 24 mai 1980, George Delerue est l’invité de Pierre Tchernia dans l’émission Monsieur cinéma. Il vient de remporter l’Oscar de la meilleure musique et revient notamment sur sa collaboration avec Philippe de Broca (à 3 min 30). «Philippe de Broca est un des réalisateurs qui attache à la musique. Souvent, j’écris des thèmes avant le tournage. Pas du tout parce qu’il a besoin de playback, simplement parce qu’il a envie d’avoir un climat musical au moment du tournage… »


Autour du « Paris de Michel Audiard »

Michel Audiard et Philippe de Broca

Le livre Le Paris de Michel Audiard, paru aux Editions Parigramme, consacre plusieurs pages à L’Incorrigible et à Tendre Poulet, deux des quatre collaborations entre Michel Audiard et Philippe de Broca. Rencontre avec l’auteur Philippe Lombard.

D’où vient l’idée du livre ?

De l’éditeur Parigramme. J’avais soumis un projet sur Jean Gabin et Paris, mais ils cherchaient quelqu’un pour écrire « Le Paris de Michel Audiard ». J’ai sauté sur l’occasion. J’adore Audiard et son cinéma, j’avais déjà écrit un petit livre sur « Les Tontons flingueurs » et je connaissais sa vie, ses liens avec la capitale.

Comment ou pourquoi Audiard et de Broca ont-ils commencé à travailler ensemble ?

Cela a failli se produire au début des années 1960. Le producteur Bob Amon avait suggéré à de Broca de collaborer avec le dialoguiste à la casquette. Mais influencé par la Nouvelle Vague et sous l’influence intellectuelle – de son propre aveu – de Truffaut et Chabrol, il a refusé. En 1975, le même Amon lui dit que Audiard est au fond du trou et que c’est le bon moment pour travailler avec lui. En effet, à cette époque, Audiard croule sous les dettes, ses derniers films en tant que réalisateur n’ont pas marché. De Broca a changé d’avis sur lui et accepte.

C’était pour L’Incorrigible ?

Oui, un film sur le mensonge, destiné à l’origine à Lino Ventura. Ils sont partis à Dourdan chez Audiard, qui a dit à de Broca : « On va parler un jour ou deux pour voir si ça colle entre nous. » Et ça a collé ! Même si pendant l’écriture, un événement tragique s’est produit et pas des moindres : la mort dans un accident de voiture de François, le fils d’Audiard. Philippe a voulu se retirer mais Michel l’a obligé à rester et à continuer le travail. Et c’est un des films les plus drôles d’Audiard…

Ont-ils la même vision de Paris ?

Je pense, oui. Ils n’adorent pas les lignes droites, la modernité, les grands ensembles. Le Paris de Tendre poulet, par exemple, est très « ancien », typique, les planchers craquent, les peintures s’écaillent, on trouve des pharmacies d’autrefois, des usines abandonnées… La caméra se déplace dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, au quai des Orfèvres, à la salle Wagram, rue Mouffetard…

Quel est le film du duo que vous préférez ?

J’ai une affection toute particulière pour Tendre poulet avec Philippe Noiret et Annie Girardot. C’est drôle parce que Audiard définissait à la sortie le film comme une « tragi-comédie-sentimentalo-policière-à-suspense-souriant ». C’est exactement ça !


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