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Hommage à Claudia Cardinale

Hommage à Claudia Cardinale

Claudia Cardinale vient de nous quitter. Cette actrice franco-italienne née en Tunisie a débuté à Cinecittà avec Visconti, Zurlini, Fellini et Bolognini avant de conquérir le reste de l’Europe puis Hollywood.

En 1962, elle tourne Cartouche de Philippe de Broca. « Un film grâce auquel j’ai obtenu ma consécration en France », dira-t-elle. Elle y interprète une Bohémienne qui devient la compagne du bandit Cartouche, un personnage plein de vie, de fougue et de spontanéité.

« Je m’appelle Vénus, j’ai dix-neuf ans, ni père, ni mère, mais des amants. On dit que je sais pas causer mais je danse, je vole, je vis ! »

Le tournage de Cartouche à Béziers et Pézenas « a été une véritable folie, scènes d’amour comprises ». Claudia Cardinale a même suivi Jean-Paul Belmondo dans ses cascades. « Je devais traverser des rapides avec lui. Comme il avait décidé de tout faire lui-même sans doublure, je décidai, bien entendu, de tout faire, moi aussi. »

[à ne pas lire avant de découvrir le film] Avec 3 610 402 entrées, Cartouche a été un des plus grands succès de l’actrice en France, juste après Le Guépard. Mais d’après le producteur Alexandre Mnouchkine, le score aurait pu être plus élevé si Vénus ne mourrait pas à la fin.

« Ça a beaucoup déçu les jeunes, alors que cette fin est très belle. Nous avons reçu des lettres. « Mais comment osez-vous détruire ce merveilleux couple ? » Nous nous faisions engueuler à la radio, partout. « Ce merveilleux film qui se termine comme ça ! » C’était en 1962, les gens ne réagissaient pas de la même manière qu’aujourd’hui. Il leur fallait un happy end avec le baiser final du vainqueur. »

Une fin qui donne un caractère intemporel à Cartouche.


Reportage sur le tournage du « Diable par la queue »

Reportage sur le tournage

du « Diable par la queue »

En juin 1968, une journaliste de L’Express se rend sur le tournage du Diable par la queue, au château de Fléchères, « un château Henri IV, très authentique et ocre, un peu croulant, au cœur du pays beaujolais ».

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à accepter ce film, Yves Montand répond spontanément : « J’avais besoin d’une grande bouffée d’air frais ». Le propriétaire des lieux semble ravi de toute cette animation. « Croyez-moi, ces gens de cinéma sont exquis », dit-il. « C’est vrai. La productrice, Michèle de Broca, œil d’acier et voix de velours, veille sans répit au bien-être de son équipe et accessoirement à celui de son mari, Philippe, le metteur en scène. Il a 35 ans. C’est un feu follet grave. Il fut l’assistant de Claude Chabrol, l’auteur de comédies douces-amères (Les Jeux de l’amour, L’Amant de cinq jours) et de fresques ironiques (L’Homme de Rio, Les Tribulations d’un Chinois en Chine). « Ce sont mes films musculo-respiratoires », dit-il.

Il dirige avec sa femme les productions Fildebroc. Mais aujourd’hui, il a décidé qu’il cesserait bientôt d’être producteur : « Je trouve immoral, dans la conjoncture actuelle, de me retrouver dans la situation de patron. J’ai envie de redevenir un violoniste. Avec « Le Diable par la queue », je voudrais réussir un film rose et mauve. un Marivaux moderne. C’est très difficile. De plus en plus difficile. Entre le style et les tics, la frontière est si fragile… » Et il passe une main lasse dans ses cheveux teints en blond nordique. Il fera quinze secondes de figuration dans son film, il ne se consolera jamais de ne pas être, aussi, un grand acteur… Il soupire, et ajoute: « Enfin, je crois que j’ai réuni une bonne distribution. »

Singulière, en tout cas. Il y a Marthe Keller, 23 ans. Baloise. Démaquillée, elle ne ressemble à rien. Maquillée, transfigurée, elle ne ressemble à personne. Il y a Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle : « Nous sommes de bonnes copines. Quand on sera vieux, on nous prendra pour des frères… » Il y a Maria Schell, dans l’épanouissement doré de sa maturité autrichienne, qui est là avec son mari peintre. Celui-ci semble apprécier à sa juste valeur les petits vins locaux, et lorsque gaiement il butine des cerises aux oreilles des starlettes, Maria Shell s’écrie en riant : « Zuffit! Papy ! »

Il y a aussi Madeleine Renaud. Elle n’avait pas tourné depuis « Le Dialogue des carmélites ». Elle est très touchante, et les messieurs viennent lui baiser. la main. Lorsqu’elle parle de l’affaire de l’Odéon, elle dit : « Mon affreux petit drame. » Elle porte avec beaucoup de dignité le veuvage (provisoire ?) de son théâtre. Elle affirme : « Je ne me sens pas dépaysée. Le cinéma, c’est comme la bicyclette, ça ne s’oublie jamais. »

Tout cela est fraternel, industrieux et si reposant. Sans milliards et sans fanfares. M. et Mme Philippe de Broca, P.D.G. des productions Fildebroc, sont en train de faire un film au soleil. Un grand film ? Trop tôt pour le savoir. Un joli film, en tout cas, avec juste ce qu’il faut d’inquiétude et d’amitié. »

Article de Daniele Heymann, « Yves Montand au boulot », paru dans le numéro de L’Express du 8 juillet 1968.


« Le Roi de cœur », film culte sur les campus américains

« Le Roi de cœur »,

film culte sur les campus américains

En 1975, le Michigan Daily se penche sur le phénomène autour du « Roi de cœur » qui passionne les étudiants de l’université du Michigan à Ann Arbor.

« Bien que les Marx Brothers aient toujours eu beaucoup de succès à Ann Arbor et que L’Odyssée de l’African Queen et Casablanca semblent toujours figurer dans un programme cinématographique ou un autre, il n’y a qu’un seul film qui se démarque comme étant le plus populaire sur le campus, le seul qui puisse véritablement être qualifié de film culte ici. Ce film, c’est Le Roi de cœur. L’été dernier, un groupe cinématographique d’Ann Arbor a projeté Le Roi tous les mercredis pendant 12 semaines devant un public enthousiaste, faisant salle comble à plusieurs reprises et obtenant presque autant de succès à la fin de la série de projections qu’au début.

Réalisé par Philippe de Broca, figure de la Nouvelle Vague française, le film est sorti à Paris en 1966, mais a été un tel échec au box-office que le réalisateur a fermé la billetterie pour laisser entrer tout le monde gratuitement, sans pour autant attirer les spectateurs. En effet, malgré l’éminence actuelle du réalisateur dans le monde du cinéma, Le Roi de cœur reste inconnu dans son propre pays à ce jour. Aux États-Unis, cependant, en incarnant l’une des histoires les plus incroyables de réussite sociale dans le monde du cinéma, le film a rapporté sept fois plus d’argent lors de ses rééditions qu’il ne l’avait fait lors de toutes ses premières projections.

De Broca travaillait dans le cinéma depuis des années, en tant qu’assistant de François Truffaut dans Les Quatre Cents Coups et de Claude Chabrol dans trois autres films. Finalement, de Broca en a eu assez de travailler pour les autres et, selon ses propres mots, il a dit à Chabrol : « J’en ai marre d’aller chercher tes cigarettes. Je veux faire mon propre film. » Chabrol a accepté et est devenu le producteur de ses deux premiers films. La première américaine du Roi de cœur en 1967 ne fut guère différente de ce qui s’était passé en France, de nombreux critiques ayant descendu le film, y compris le magazine Time qui déclara à son sujet : « Rien dans cette comédie ne tient la route. »

Bien qu’il ait fait un flop dans la plupart du pays, il a très bien marché dans certaines villes, notamment à Ann Arbor où il a attiré un public nombreux au Campus Theater.

Sur le plan financier, cependant, ce fut un échec. Puis quelque chose d’étrange s’est produit. Le 11 février 1971, Le Roi de cœur a été ajouté en deuxième partie d’un programme double dans un petit cinéma d’art et d’essai près de l’université de Harvard. Quatre ans et demi plus tard, il est toujours à l’affiche, ce qui en fait le film le plus longtemps à l’affiche de l’histoire. Dans le film, Alan Bates incarne un soldat écossais envoyé dans une petite ville française, abandonnée par les troupes allemandes en retraite, pour désamorcer une énorme bombe qu’elles ont laissée derrière elles. Tous les habitants partent précipitamment, mais dans leur hâte, ils ont laissé derrière eux les pensionnaires d’un asile psychiatrique. En cherchant la bombe, Bates tombe par hasard dans le monde des pensionnaires et se retrouve roi de cœur, bientôt marié à la reine (Geneviève Bujold dans l’un de ses premiers rôles à l’écran). Le message est léger mais réfléchi, opposant le monde innocent et enfantin des fous à celui, autodestructeur, des gens civilisés et sains d’esprit. Bates se retrouve pris entre deux feux et doit faire un choix.

Un échantillon des personnes qui reviennent voir le film donne un aperçu de sa popularité. Une spectatrice, qui s’apprêtait à voir le film pour la quatrième fois, a déclaré : « J’adore ce film… il me donne l’impression qu’il y a de l’espoir dans le monde. » Une autre, qui le voyait pour la deuxième fois, l’a décrit comme « un film agréable et doux qui me rend très heureuse ». C’est la philosophie du film qui attire le public, comme l’ont fait d’autres films cultes ces dernières années, notamment Harold et Maude et les films Billy Jack. C’est le sentiment de célébration de la vie que Le Roi de cœur exprime qui rappelle la séquence suivante de Harold et Maude. Maude, âgée de 80 ans, dit au jeune Harold : « Tente ta chance. Prends des risques. Même si tu te blesses. Vas-y, fonce. Vis. Sinon, tu n’auras rien à raconter dans les vestiaires. » « Je ne veux pas mourir », dit le roi de cœur à la reine. « Personne ne connaît sa propre mort », répond-elle. « Il ne me reste que trois minutes à vivre », poursuit-il. « Trois minutes ! », répond-elle, les yeux brillants, « trois minutes, c’est génial ! »

Des sondages réalisés au Movie House de Seattle indiquent que la moitié du public a déjà vu le film et que la moitié d’entre eux l’ont vu au moins deux fois. À Cambridge, un fan l’a vu 86 fois. À Ann Arbor, cependant, un échantillon du public a révélé que seulement 10 % l’avaient déjà vu, ce qui prouve à la fois le roulement rapide des étudiants ici et le fait que de nombreux étudiants n’ont jamais pu voir le film auparavant en raison de sa distribution limitée. Souvent projeté sur le campus du Michigan, Le Roi de cœur vaut vraiment la peine d’y consacrer deux petites heures. »

« Cults flock to ’King of Hearts’ » de Jim Frisinger, The Michigan Daily, 9 octobre 1975.

L’article original est à lire ici.


« Quoi de neuf ? Broca! »

« Quoi de neuf ? Broca ! »

L’écrivain Thomas Morales avait déjà évoqué le cinéma de Philippe de Broca dans Monsieur Nostalgie. Il récidive dans un chapitre de son nouveau livre, Tendre est la province aux éditions des Equateurs. En voici le texte :

« Quoi de neuf ? Broca !

Depuis une dizaine d’années, je m’efforce de rendre à Philippe de Broca la place qu’il n’a pas dans les rétrospectives ; trop fin, trop commercial, trop populaire, trop provincial, trop virevoltant aussi, frénétique et mélancolique, joueur et fuyant, aristocratique et primesautier, à fleurets mouchetés, ce cinéma d’émotion et d’action n’a pas les faveurs d’une critique qui ne comprend que l’entonnoir sur la tête et les manuels d’agit-prop. Il condense tout ce qui horripile les torquemadas de la caméra, le marivaudage zébré d’incertitudes, le boulevard sentimental, la course à l’échalotte, la cascade et les blagues des copains, le juste balancier entre un dialogue qui serait trop écrit et des sauts de cabris. Moi, ce cinéma-là m’émeut au plus haut point.

Lui seul sait filmer une place de village dans son indolence souveraine. J’y puise une force et une échappatoire, il est tout ce que le cinéma d’auteur abhorre : léger, sensuel, polisson, sensible, jamais racoleur, jamais misérabiliste, dansant et feutré, non-victimaire et aboyant. Il est ma France. Jean-Pierre Cassel cabotine dans Les Jeux de l’amour, Le Farceur et L’Amant de cinq jours, Belmondo nous épuise dans L’Homme de Rio ou Cartouche, Geneviève Bujold nous arrache des larmes dans Le Roi de cœur avec son tutu fichu, Montand qui m’est antipathique m’amuse dans Le Diable par la queue, Jacqueline Bisset est à double-face dans Le Magnifique, au pinacle de son érotisme en nuisette de soie ou en pull à grosses mailles, Marthe Keller est cette brindille haletante dans Les Caprices de Marie en maillot de bain deux pièces, Jean Rochefort roule en break Volvo 145 dans Le Cavaleur ce qui est en soi, le signe d’une élégance folle et d’un caractère extatique, je pourrai continuer encore longtemps cette liste à la Prévert, cette fantasia de l’enfance.

« Je ne peux pas me revendiquer de la Nouvelle Vague dans la mesure où je suis un cinéaste populaire, quelqu’un qui veut faire des entrées, qui veut faire rire, qui veut avoir du succès…La Nouvelle Vague voulait essentiellement faire du neuf […] Ce qui est bizarre, c’est que, pour les gens du cinéma, plus on se rapproche du public, plus on doit faire vulgaire » concédait-il, dans un entretien accordé à Alain Garel et Dominique Maillet. Broca est la parfaite antithèse de toutes les théories brumeuses d’un cinéma cultureux et protestataire.

Dans un film de commande, il se révèle douloureusement personnel et dans un film plus personnel, il injecte une dose d’universalisme. Prenons, Tendre Poulet avec Philippe Noiret et Annie Girardot, la rencontre entre un professeur de grec ancien à la Sorbonne et d’une commissaire de police, l’histoire est
amusante, la péripétie policière se regarde avec plaisir, les acteurs sont à l’aise, les Monique Tarbès et Roger Dumas font leur numéro avec cette fantaisie cabaretière qui n’existe plus, ne croyez pas que ce cinéma en apparence inoffensif, se regarde et s’oublie. Il n’est pas jetable. Il dit tout de nous, de nos méandres, de notre incapacité à s’engager, de nos rêves enfouis, de nos absences et de nos fuites imbéciles, sans grands mots à la rescousse, sans les larmes abondantes des atrabilaires, sans les aplats de couleurs glauques, mais dans l’organdi et le crêpe, l’ondoiement, le drapé, un travail de dentellière. Quand je m’arrête square Viviani, observer l’avancement des travaux de la Cathédrale Notre-Dame, je suis emporté par une émotion qui déborde, je ne peux la retenir. Noiret invite Girardot à l’accompagner sur une plage de Normandie, c’est bon paraît-il pour les couples, dans son costume en seersucker, un cornet de glace à la main, il tente un rapprochement. Nous ne sommes pas dans la drague lourdingue, la déconstruction et le procédural. Ce moment fugace où deux personnes se rencontrent avec les sous-entendus et les piétinements sous-jacents, est superbe de maîtrise. C’est rapide, farfelu, boiteux, d’une beauté à crier. »

« Tendre est la province » de Thomas Morales, Editions des Equateurs, 2024. 240 pages, 19 euros.


Un livre en hommage à Françoise Dorléac

Un livre en hommage

à Françoise Dorléac

Framboise, quelques hypothèses sur Françoise Dorléac d’Aurélien Ferenczi vient d’être publié par l’Institut Lumière et Actes Sud.

Communiqué de presse :

« Au début de l’été 1967, Françoise Dorléac se tue au volant de sa voiture sur une route de la Côte d’Azur. Elle avait vingt-cinq ans, n’était pas encore la star qu’elle avait toujours voulu être, mais déjà une actrice accomplie qu’on avait admirée dans L’Homme de Rio, La Peau douce ou Les Demoiselles de Rochefort.

Autant que sa sœur, Catherine Deneuve, elle avait tout pour réussir : le talent, la beauté, la jeunesse. Et pourtant, derrière l’apparente joie de vivre pointait une insatisfaction qui la tourmentait, la peur de ne pas l’être assez, douée, belle, jeune… Elle se délivrait de ses doutes, au moins brièvement, dans la danse qui l’enivrait et auprès de prétendants qui la rassuraient. Mais ce n’était jamais assez ou jamais assez longtemps… Il n’y a pas de mystère Françoise Dorléac, juste la trajectoire-météore d’une jeune femme de son temps, peut-être un petit peu en avance, reflet d’une feinte insouciance, aujourd’hui disparue.

Ce livre en forme d’exercice d’admiration cherche à raconter le bref avènement d’une jeune femme : comment la petite fille du 16e, née de parents acteurs, devient une actrice, et aussi une femme, à la vie amoureuse compliquée, en avance sur son époque. Moderne ? En tout cas l’on guette sa trace chez les actrices d’aujourd’hui, surtout celles qui sont intenses et fragiles. »

10×19 cm / 176 pages / 17€


Hommage à Henri Lanoë

Hommage à Henri Lanoë (1929-2024)

Henri Lanoë vient de nous quitter, à l’âge de 94 ans. C’était un grand ami de Philippe de Broca et un de ses proches collaborateurs.

« Henri était un homme très calme et posé avec un humour assez sarcastique », témoigne aujourd’hui Alexandra de Broca. « C’était aussi un fin observateur des humains. Remarquable photographe, formidable musicien et pianiste. Il s’éteint entouré de l’amour, de ses deux enfants et de sa femme. »

Ils s’étaient rencontrés pendant la guerre d’Algérie, en 1955, au Service cinématographique des armées. « Le pire était de ne jamais savoir quand nous allions réintégrer la métropole », se souvenait Lanoë. « C’était une obsession permanente : notre retour à Paris. Philippe ne souhaitait plus être opérateur même si c’était sa formation. Dès cette époque, il avait une vision claire de son idéal : il serait réalisateur. » Devenu monteur, Lanoë va assurer cette fonction sur pas moins de douze films de de Broca (parmi lesquels « Les Caprices de Marie », « La Poudre d’escampette », « Le Magnifique », « Le Cavaleur », « L’Africain », « Le Bossu »…). Il travaillera aussi beaucoup pour Jacques Deray.

Le réalisateur Gérard Krawczyk lui a rendu hommage sur le site de la CST (Commission supérieure technique de l’image et du son) :

« Henri Lanoë nous a quittés.

Il était surtout connu comme monteur. Je devrais utiliser le présent parce que son immense talent, qui a accompagné et contribué à créer tant de chefs-d’oeuvre cinématographiques, est éternel.

Parmi la cinquantaine de films dont il a signé le montage, je citerai « Yoyo » de Pierre Étaix, « Le Voleur » de Louis Malle, « Le Magnifique » de Philippe de Broca, « Peur sur la ville » d’Henri Verneuil, « Monsieur Klein » de Joseph Losey, « La Menace » d’Alain Corneau, « Un papillon sur l’épaule » de Jacques Deray, « Le Cavaleur » de Philippe de Broca, Malevil et « Les Quarantièmes rugissants » de Christian de Chalonge, « On ne meurt que deux fois » de Jacques Deray, « Baptème » de René Ferret, « I…comme Icare » et « Mayrig » d’Henri Verneuil, « Le Bossu » de Philippe de Broca…

Il est aussi le compositeur de « La Belle Vie » de Robert Enrico, du « Voleur » de Louis Malle et des « Quarantièmes Rugissants » de Christian de Chalonge.

Et également le scénariste d’ »Un monsieur de compagnie » de Philippe de Broca, de « l’Homme de Marrakech » de Jacques Deray et de son propre film qu’il réalisa en 1967, « Ne jouez pas avec les martiens ».

J’ai croisé Henri de trop rares fois où je n’ai pas osé l’approcher tant mon admiration pour lui était grande.

Aujourd’hui, au nom de la CST, nous adressons à sa famille et à ses proches, nos sincères condoléances et nos affectueuses pensées. »


« L’Homme de Rio » au festival de L’Alpe d’Huez

« L’Homme de Rio » au festival de L’Alpe d’Huez

Alexandra de Broca présentera L’Homme de Rio au festival international du film de comédie de L’Alpe d’Huez le jeudi 18 janvier à 12h (salle Belledonne).


« Cartouche est le plus grand film de l’histoire du cinéma » selon Nicolas Mathieu

« Cartouche est le plus grand film

de l’histoire du cinéma » selon Nicolas Mathieu

A l’occasion de la disparition de Jean-Paul Belmondo en 2021, l’écrivain Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018, a rendu hommage à l’acteur et en a profité pour dire tout le bien qu’il pense de Cartouche

« Je crois que c’est Serge Daney, le critique des Cahiers du cinéma et de Libé, qui évoquait dans un entretien avec Régis Debray ce qu’avait été la jeunesse au cinéma, en France, avant Belmondo et Bardot. Il faut se souvenir des comédiens qui la figuraient alors du côté des hommes : Daniel Gélin, Gérard Philipe, Jean Marais. De beaux mecs, mais encore pris dans quelque chose d’artificiel, une sorte de pâte, des messieurs déjà.

Quand Belmondo arrive dans les années 1950, tout de suite, il brise ce moule. Il n’a même pas besoin d’être vraiment beau. Son nez est cassé, sa bouche trop pleine, et pourtant, c’est un physique qui séduit dans la seconde et colle à son époque. Comme l’après-guerre, il est facile, facétieux, avec ce pétillement dans l’œil, une malice et une apparente simplicité qui feront toujours son charme, ni tout à fait jeune premier, plus du tout gendre idéal. Quoi qu’il en soit, avec cette gueule-là, la France s’offre enfin une incarnation de la jeunesse qui n’est plus l’histoire d’un passage, d’une phase transitoire. Belmondo, comme Montgomery Clift ou James Dean à Hollywood, incarne pour la première fois un état qui vaut pour lui-même, qui n’appelle rien d’autre. Il invente, comme Bardot, une figure de l’éternel printemps, vif, enjoué et tragique, irrécupérable.

Mais évidemment, il serait complètement idiot de résumer Belmondo à ça, dix rôles entre 20 et 35 ans. Godard l’a certes fixé en jeune homme fou, Melville en voyou ou en curé débutant, de Broca en funambule, mais il fut bien autre chose, et pour nous qui avons grandi sous Mitterrand, il fut surtout ce formidable casse-cou, champion du box-office, quadra à pectoraux et gros calibre qui le dimanche soir venait après le générique de la Gaumont nous consoler du retour en classe le lendemain.

Entre 7 et 10 ans ans, j’ai dû voir L’As des as vingt fois. Et mes souvenirs d’enfant sont pleins de ces films que distribuait René Chateau Vidéo, le même qui devait enchanter plus tard nos adolescences avec Bruce Lee et Brigitte Lahaie. Je revois l’ourson dans la belle décapotable, l’oeil de verre de Minos qui roule sur un toit de Paris dans Peur sur la ville. Et cette chose si curieuse, la même musique qui accompagnait à la fois la fin tragique du Professionnel et la course du berger allemand dans la pub Royal Canin. Les petits mecs du Club Dorothée et de la 205 GTI que nous étions ne comprenaient pas tout, mais ils savaient parfaitement qui ils voulaient être. Cet homme-là, d’un bloc, avec ses deux poings et ses revolvers, son sourire et ses reparties. La propagation du magnétoscope dans les ménages français autorisait de revoir ses courses-poursuites à l’infini, ces fameuses cascades qu’il réalisait lui-même, et, dans la cour de l’école, à défaut de pouvoir nous offrir les services de Rémy Julienne, on recourait largement au Mercurochrome.

À cette époque, pour nous, Godard ne signifiait rien. Truffaut encore moins. Même Deray, Verneuil, Lautner et Oury qui fabriquaient ces polars et ces comédies dont nous nous repaissions n’existaient pas. Il y avait simplement  « les films de Belmondo ». Plus qu’un genre, c’était alors un label qui garantissait au spectateur sa dose d’action et de castagne, d’élémentaire virilité. Quant aux personnages féminins, ils ne se taillaient certes pas la part du lion, mais il y avait tout de même Léa Massari, Jacqueline Bisset et Marie-France Pisier. De toute façon, ces questions-là, et beaucoup d’autres, nous ne nous les posions guère. Nous avions ce miroir où nous rêver et un jour, promis, nous serions comme lui, forts en gueule et prompts à en découdre. Nous ignorions alors que le temps aurait prise sur nos idoles comme sur nos parents. Les uns et les autres deviendraient plus lents. Ils auraient des cheveux blancs, des insuccès, et c’est Claude Lelouch qui viendrait un jour nous apporter la preuve de cette triste évidence. Itinéraire d’un enfant gâté fut à l’époque annoncé comme une renaissance. Nous ne nous y sommes pas trompés.

Heureusement, à 17 ans, je découvrais À bout de souffle et pouvais repousser encore cette révélation de la mort au travail. Dans le film de Godard, Belmondo fumait des Boyards et avait des abdominaux en béton. Voilà tout ce qui comptait. Par la suite, il joua encore quelques rôles, plus disparates, que nous n’allions pas voir en salle et négligions de regarder à la télé. Lui n’eut pas vraiment droit à cette autre carrière que connut Gabin. L’emploi de patriarche ne fut pas son second souffle. Pourtant, il continua à faire partie du paysage, patrimonial et sympathique, toujours admiré en dépit de ce yorkshire accroché à son bras de vieux monsieur trop hâlé.

Et puis bien plus tard, je compris que Cartouche est le plus grand film de l’histoire du cinéma. C’est une œuvre au fond mal connue, qui débute comme une pochade puis devient le plus allègre des récits d’aventure, pour s’achever comme nous, trop vite et sur un drame. Claudia Cardinale s’appelle Vénus et meurt malgré tout. Sur la vaste table où son corps est étendu, elle a la pâleur des vierges du Caravage. C’est un drôle de coup de canif dans le pacte noué avec son spectateur que fait de Broca en exposant ainsi ce terrible cadavre. Alors Jean-Paul Belmondo, ou Cartouche, c’est sans importance à ce stade, la soulève dans ses bras et l’emporte, couverte de soie et de bijoux. Elle ira pour finir s’engloutir avec son luxueux carrosse dans les eaux noires d’un lac qui se confond avec la nuit. Tout au bout, il reste encore une cavalcade, une poignée de bandits qui vont à la mort. « Et que ça aille vite » crie Cartouche, car vieillir n’a pas lieu d’être. C’est un film gai, cruel, terriblement français, c’est-à-dire irrévérencieux et gouailleur, avec ses bons mots copieux et ses valets plus malins que leurs maîtres, ses tristes gens d’armes et Jean Rochefort. Un film dont on a perdu la recette et qui se résume d’un mot très beau, plus guère en usage : le panache. Dans ce film que nous reverrons désormais avec une gravité nouvelle, Belmondo n’a pas 30 ans. Il marche en l’air, impondérable, la taille fine et plein d’allant. Il n’a ni la beauté du diable d’Alain Delon ni celle blessée de Maurice Ronet. Il est tel que nous aurions voulu être et là où nous le trouverons désormais. Car la mort vient de le rendre pour toujours à cette invincible jeunesse. »

Cet article a été publié dans Elle du 17 septembre 2021.


Les 50 ans du « Magnifique »

Les 50 ans du « Magnifique »

Le Magnifique fête cette année ses cinquante ans ! Pour l’occasion, les exploits de Bob Saint-Clar ont été restaurés en 4K par Carlotta. Cette version sera projetée au festival « De l’écrit à l’écran » de Montélimar le 28 septembre à 17h en présence de Paul Belmondo, et bénéficiera d’une sortie nationale en salles à partir du 18 octobre. Et, bien entendu, une édition 4K Ultra HD + Blu-Ray sortira chez Studiocanal (le 31 octobre).


Bruno Troublé raconte la passion de la mer de De Broca

Bruno Troublé raconte la passion

de la mer de De Broca

Le skippeur français Bruno Troublé, qui a (entre autres) participé aux JO de Mexico en 1968 et de Montréal en 1976, vient de publier un livre de souvenirs aux éditions Albatros, Pas une minute à perdre !. Il y évoque notamment son amitié avec Philippe de Broca, les quinze dernières années de la vie de ce dernier.

« Un ami inoubliable ! Nous ne l’avons pas connu par le cinéma, mais par la mer. Un peu comme mon père bien-aimé, Broca était un marin tardif : il a acheté son bateau, un Taillefer en acier, à 50 ans ! (…) Le Moana, hivernait au chantier Le Borgne à côté de notre maison de vacances au Parun, située sur la berge de la rivière d’Auray à Baden, et nous sommes ainsi rapidement devenus proches. » Le cinéaste aimait particulièrement le golfe du Morbihan et l’île de Boëdic où il avait tant joué enfant. Il y a d’ailleurs tourné des scènes du Cavaleur et des Clés du paradis.

« Il aimait à dire : « Le golfe du Morbihan est accueillant mais l’idée d’aller affronter Belle-Île correspondait dans mon imaginaire à aller affronter le cap Horn… Et je préfère répondre aux Parisiens : « Comment ? Vous ne connaissez pas le golfe et la pointe des poulains ? », que leur dire « Oui, c’est moi le metteur en scène de L’Homme de Rio »… »

Malgré tout, reconnaît Troublé, si le cinéaste « adorait naviguer, il était assez incompétent, inconscient et maladroit. » Mais « sa joie de vivre, sa légèreté » ont comblé Troublé et sa femme. « On a tellement rigolé ! Philippe perdait sans arrêt son téléphone portable, qu’il mettait dans la pochette de sa chemise. Lorsqu’il se penchait en avant, le téléphone tombait… Il est ainsi tombé dans 30 centimètres d’eau alors qu’il tirait son annexe sur la plage. Il n’a fait ni une ni deux : « Je vais le mettre dans le four dix minutes, il va remarcher ! » On a sorti, une heure après, des lambeaux de plastique noir. »

Pas une minute à perdre !

(Editions Albatros, 256 pages, 27 euros)


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